Imprimer un livre : premiers pas et décisions à prendre
Faire imprimer un livre commence bien avant le choix du papier ou la signature de l'imprimeur. Plusieurs décisions de fond orientent le projet : format, public visé, quantité, et objectifs de diffusion. Ces éléments déterminent le budget, le procédé d'impression et la finition. Clarifier l'intention permet d'éviter des coûts inutiles et des imprévus de fabrication.
Le format influe sur l'expérience du lecteur et sur le coût. Un format poche, pratique et économique, ne donne pas la même présence en librairie qu'un grand format. Le type de public oriente aussi le grammage des pages et la couverture : un roman destiné à la lecture de poche privilégiera la légèreté, un livre d'art réclamera papier épais et restitution colorimétrique soignée.
Choisir entre impression à la demande et offset
L'impression à la demande (POD) permet de produire des exemplaires selon les ventes et évite le stockage. Ce choix s'adresse à qui désire limiter le risque financier, tester un marché ou proposer rapidement un ouvrage. L'offset, méthode traditionnelle, devient économiquement intéressante à partir d'un certain tirage. Elle offre souvent une qualité supérieure pour les couleurs et des possibilités de finition plus larges, mais implique des frais initiaux plus élevés et des délais de production plus longs.
Il est utile d'évaluer les quantités probables, l'espace de stockage disponible et la stratégie de distribution avant de trancher. Beaucoup d'éditeurs optent pour une combinaison : tirage initial en offset pour constituer une pression et POD pour la réimpression.
La préparation du manuscrit : structure, correction et mise en forme
Un manuscrit prêt pour l'impression n'est pas seulement un texte sans fautes. Il s'agit d'un fichier mis en forme, relu, corrigé et structuré. Avant d'aborder la maquette, il faut vérifier la cohérence du sommaire, la numérotation des pages, la présence des éléments frontaux (page de titre, droits, dédicace, quatrième de couverture) et la cohérence des renvois et citations.
La relecture : plusieurs passes indispensables
La relecture doit couvrir différents niveaux. Une première passe s'intéresse au fond : cohérence du récit, rythme, pertinence des chapitres. Ensuite, une relecture stylistique affine les tournures, élimine les lourdeurs et veille à l'unité du ton. Enfin, la relecture orthotypographique corrige les fautes, la ponctuation et les règles typographiques (espaces insécables avant les signes doubles, usage des guillemets, etc.).
Faire appel à un correcteur professionnel est recommandé, surtout pour la première impression en librairie. La correction n'est pas un luxe : elle protège la crédibilité de l'ouvrage et évite des réimpressions coûteuses pour corriger des erreurs révélées par les lecteurs.
La maquette intérieure : hiérarchie et lisibilité
La mise en page définit l'expérience de lecture. Les choix de police, de corps, d'interlignage et de marges déterminent la lisibilité et l'esthétique. Les polices avec empattement (serif) conviennent souvent aux textes longs, car elles favorisent le guidage du regard. Les polices sans empattement (sans serif) sont appropriées pour les titres ou les livres courts au ton contemporain.
La hiérarchie visuelle se construit par l'utilisation des styles : titres de chapitre, sous-titres, notes de bas de page, légendes. Il faut veiller à la cohérence des espaces entre les éléments et à la gestion des veuves et orphelines. La marge intérieure, ou gouttière, doit être calculée pour permettre l'ouverture du livre sans couper le texte près de la reliure.
Consignes techniques basiques pour la maquette
Le texte doit être exporté dans un format adapté à l'impression. Le format PDF, en version print (PDF/X), est la norme. Avant export, vérifier les polices incorporées, la résolution des images et les couleurs. Les images doivent être en 300 dpi pour une impression nette. Le document doit intégrer les fonds perdus (bleed) si des éléments graphiques atteignent le bord du format.
Le design de la couverture : vitrine et signature
La couverture est la première interaction du lecteur avec l'ouvrage. Elle doit informer sans tout révéler, capter l'attention tout en respectant le genre et l'esprit du texte. Une bonne couverture allie lisibilité du titre, cohérence typographique et une image ou un graphisme qui traduit l'atmosphère du livre.
Éléments obligatoires et conseils de composition
La couverture comporte des éléments indispensables : le titre, le nom de l'auteur, le logo de l'éditeur éventuel, le code-barres sur la quatrième de couverture et parfois un résumé ou une accroche. L'équilibre entre texte et image doit permettre la lecture à distance en format réduit (vignette sur site de vente en ligne).
Pour la quatrième de couverture, prévoir un espace pour le résumé, des informations éditoriales (ISBN, prix, type de reliure) et une zone de 10 à 15 mm de sécurité autour du code-barres. Le dos du livre doit être lisible en librairie : titre et nom de l'auteur en taille suffisante.
Couleurs, profil et images
Les fichiers destinés à l'impression doivent être préparés en CMJN (CMYK) et non en RVB (RGB). La conversion RVB->CMJN peut altérer les teintes, surtout les bleus et verts vifs. Utiliser des profils colorimétriques fournis par l'imprimeur ou standardisés (FOGRA/ISO) pour limiter les surprises. Pour une précision maximale, envisager l'utilisation de pantones (encres directes) pour des couleurs de couverture critiques, en gardant à l'esprit le coût supplémentaire.
Les images de couverture doivent être en haute résolution (300 dpi). Les éléments vectoriels (logos, titres si réalisés en vecteur) garantissent une netteté optimale au tirage.
Formats, bords perdus et marges techniques
Avant l'export du fichier final, vérifier les règles techniques : le fond perdu (bleed), la zone de sécurité et la marge intérieure. Le fond perdu est généralement de 3 mm mais certains imprimeurs recommandent 5 mm pour les projets de grand format ou pour des finitions spécifiques. La zone de sécurité à l'intérieur du format évite que du texte soit coupé lors du massicotage.
La numérotation des pages débute souvent après la page de titre et la page de copyright. Pour un roman, la pagination apparaît généralement en bas de page, centrée ou décalée. Pour un ouvrage illustré ou un livre pratique, la pagination et les repères font partie du travail de mise en page à anticiper.
La gestion des polices
Les polices doivent être incorporées au PDF d'impression. Certaines polices propriétaires nécessitent une licence pour l'embed. Éviter les substitutions qui déforment la mise en page. En cas d'usage de caractères spéciaux ou de glyphes spécifiques, s'assurer que la police choisie les gère correctement.
Le choix du papier et du grammage
Le papier influence le toucher, le bruit de la page et l'apparence des couleurs. Un papier couché donnera des couleurs vives et un rendu lisse, idéal pour les livres illustrés ou photographiques. Un papier offset ou bouffant, plus mat et plus doux, conviendra aux romans et ouvrages littéraires.
Grammage et coût
Le grammage (exprimé en g/m²) a un impact direct sur le prix et sur l'épaisseur du livre. Les grammages courants pour l'intérieur vont de 70 g/m² à 135 g/m². Pour un roman, 80 g/m² est classique et économique. Pour un beau livre, 120 g/m² ou plus donne une sensation de qualité. La couverture, souvent plus épaisse (250 à 350 g/m²), peut être renforcée avec du carton pour les reliures rigides.
Les choix de grammage influencent aussi la tranche : plus le papier est épais, plus le dos sera large pour un même nombre de pages. Pour évaluer le dos, demander au fabricant la table de calepinage ou utiliser des calculateurs fournis par les imprimeurs.
Les types de reliure et leur pertinence
La reliure détermine la durabilité et l'ouverture du livre. La reliure brochée (aussi appelée "perfect binding") est la plus répandue pour les romans et les essais. Elle colle les cahiers sur une tranche et offre un rendu propre. La reliure cousue assure une plus grande longévité et permet au livre de rester ouvert plus facilement. Le brochage cousu est souvent préféré pour des ouvrages de valeur ou destinés à un usage fréquent.
La reliure cartonnée (reliure rigide) associée à une jaquette ou un habillage offre un aspect premium et une meilleure protection. Pour des tirages courts, la reliure spirale ou la reliure thermocollée peuvent convenir, mais elles sont moins adaptées à la vente en librairie classique.
Aspects techniques : masses de pages et signatures
En impression offset, la mise en page s'organise souvent en signatures, regroupements de pages assemblés sur une grande feuille. Ces signatures impliquent des multiples de pages selon la machine de mise en presse (habituellement 8, 16 ou 32). Cette contrainte peut influer sur la pagination finale. En impression à la demande, ces contraintes sont moins strictes, mais la cohérence du nombre de pages reste importante pour la reliure et la gestion du dos.
Fichiers d'impression : formats et prépresse
Le fichier final doit être un PDF conforme aux normes d'impression. Le format PDF/X-1a est souvent recommandé car il impose l'incorporation des polices et la conversion des couleurs en CMJN. Avant l'envoi, réaliser un préflight pour détecter les images basse résolution, les polices non incorporées, les objets en transparence non aplatis et les couleurs en RVB ou en tons directs non gérés.
Transparences et effets
Les transparences dans les logiciels de mise en page doivent être aplaties avant la création du PDF si l'imprimeur le demande. Les effets graphiques (ombres portées, lueurs) peuvent créer des zones d'imprécision s'ils ne sont pas correctement gérés. Pour les traitements particuliers, communiquer avec le prépresse de l'imprimeur et, si nécessaire, fournir des fichiers séparés ou des références couleurs.
Épreuves et contrôle qualité
La vérification par épreuve est une étape cruciale. Une épreuve numérique (PDF) permet de vérifier le contenu, mais une épreuve papier (épreuve contractuelle ou bon à tirer) révèle les véritables rendus de couleurs, du papier et des ajustements de marge. Accepter un tirage sans épreuve papier augmente le risque d'erreurs irréversibles sur la commande finale.
Types d'épreuves
L'épreuve couleur imprimée en presse (ou épreuve contractuelle) est la référence pour valider le rendu final. Si le budget est serré, demander au moins une épreuve d'une couverture ou d'un cahier représentatif. Vérifier systématiquement les couleurs de peau, les noirs profonds et les détails fins. Contrôler également la lisibilité des petits corps de texte et la netteté des images.
Aspect financier : devis, budget et planification
Un devis précis doit détailler le coût unitaire, les frais de mise en route (planches, calage, plaques), les options de finition, le coût du transport et les éventuels frais de stockage. Les délais d'impression doivent être indiqués et intégrés au calendrier de sortie. Comparer plusieurs devis en tenant compte des délais, des services inclus et des références de l'imprimeur.
La production en offset implique souvent des coûts initiaux plus élevés, mais un coût unitaire plus bas à mesure que le tirage augmente. L'impression à la demande supprime les coûts de stockage mais propose un coût unitaire plus élevé. Tenir compte aussi des marges nécessaires pour la distribution et la vente en librairie : les diffuseurs et distributeurs prennent une part importante du prix de vente.
Distribution, références techniques et obligations
L'ISBN est indispensable pour la librairie et la diffusion commerciale. Il faut obtenir ce numéro auprès de l'agence nationale compétente et l'intégrer sur la quatrième de couverture et dans les métadonnées. Le dépôt légal, souvent obligatoire, implique l'envoi d'exemplaires à la bibliothèque nationale selon la législation du pays. Vérifier les obligations locales pour éviter les pénalités.
Pour la vente en librairie, prévoir le contrat de remise, la politique de retour, le prix public conseillé et les codes de distribution. Les libraires exigent souvent un rabais commercial et une politique de retour des invendus, à intégrer dans le calcul des marges.
Finitions spéciales et extras à considérer
Les finitions transforment l'apparence et le toucher d'un livre. La pelliculage mat ou brillant protège la couverture et change la perception visuelle. Les vernis sélectifs (spot UV), l'embossage ou le gaufrage ajoutent des reliefs et des contrastes. Les tranches colorées, les signets ruban, les gardes de qualité, les renforcements de dos, et les jaquettes personnalisées sont autant d'options qui valorisent l'objet livre, mais augmentent le prix.
Prévoir l'impact sur la vente : un ouvrage de prestige justifie une finition soignée, tandis qu'un livre à diffusion large peut privilégier la sobriété pour contenir les coûts.
Choisir son imprimeur : critères et relation
Le choix de l'imprimeur repose sur plusieurs critères : la qualité d'exécution, les références, la flexibilité, les délais, la proximité géographique et le service client. Demander des échantillons d'ouvrages semblables et des références. Un premier échange technique évite bien des malentendus : fournir une fiche technique du projet, poser des questions sur les tolérances de couleur, l'acceptation des fonds perdus, l'option de renfort de dos et les conditions de paiement.
Un bon imprimeur accompagne et conseille, propose un prépresse rigoureux et une épreuve papier si nécessaire. Solliciter des infos sur l'assurance qualité et les procédures en cas de défaut constaté sur la production.
Négociation et contrat
Les conditions doivent figurer par écrit : prix ferme, délais de livraison, modalités de paiement, reprises en cas de défaut, garantie des tirages. Clarifier les responsabilités en cas d'erreur de fichier fourni par l'auteur ou de variation colorimétrique due à un profil non respecté. Pour un tirage important, demander une clause sur les tolérances d'erreur acceptable et sur les modalités de réimpression.
Aspects logistiques : transport, stockage et distribution
Le transport des livres peut représenter une part non négligeable du budget, surtout pour des tirages volumineux. Penser à la manutention, à l'emballage et à la protection pendant l'acheminement. Pour une distribution nationale ou internationale, prendre en compte les règles douanières, la TVA et la documentation nécessaire.
Le stockage demande des conditions adaptées : lieu sec, température stable, et palettes protégées. Envisager des solutions d'entreposage ou des services de logistique proposés par l'imprimeur ou des prestataires spécialisés.
Dernières vérifications avant l'envoi en fabrication
Avant de lancer la fabrication, faire une dernière passe sur plusieurs points : vérification des métadonnées (titre, auteur, ISBN), vérification orthotypographique finale, confirmation des profils couleurs et des fonds perdus, vérification de la qualité des images et de l'incorporation des polices. Confirmer la quantité, les conditions de livraison et la date souhaitée. S'il existe un doute, obtenir une épreuve papier pour valider la teinte et la lisibilité.
Conserver des archives des fichiers finaux et des bons à tirer. Ces documents serviront en cas de réimpression ou de litige. Documenter aussi les échanges importants avec l'imprimeur : décisions techniques, versions approuvées, et conditions contractuelles.
Conseils pratiques
Prendre le temps de comparer les offres, demander des échantillons et des épreuves, et ne pas hésiter à poser des questions techniques. Planifier des marges de délai pour corriger d'éventuelles anomalies. Penser la production en fonction de la vie commerciale du livre : certains titres méritent un tirage limité et des réimpressions planifiées, d'autres bénéficient d'une mise en marché plus importante dès le départ.
Édition Livre France * Plus d'infos